7.10.06

Rapport Droits humains

Un rapport de l'ONU critique l'attitude du Maroc au Sahara occidental
Jean-Pierre Tuquoi, LE MONDE | 07.10.06

C'est un rapport confidentiel du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH). Daté de septembre, il est le fruit d'une mission partie enquêter, en mai et juin, sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf, en territoire algérien, à la suite de manifestations violentes qui avaient eu lieu, en 2005, dans la zone sous contrôle marocain.

Long d'une quinzaine de pages, le document n'a eu que trois destinataires : le Maroc, qui occupe le Sahara occidental depuis le départ du colonisateur espagnol, il y a une trentaine d'années ; le Front Polisario, partisan de l'indépendance de ce territoire désertique de la taille de la Belgique ; l'Algérie, enfin, qui accueille sur son sol, à Tindouf, près de 90 000 réfugiés sahraouis.

Le rapport est sévère pour le Maroc. "La situation des droits de l'homme est préoccupante, particulièrement dans la partie du Sahara occidental sous administration marocaine, écrivent les auteurs. Actuellement, le peuple sahraoui se voit dénier le droit à l'autodétermination (ainsi que) toute une série d'autres droits (...). "

Les rapporteurs du HCDH reconnaissent qu'ils ont pu travailler en toute liberté au Maroc et au Sahara occidental et qu'ils ont rencontré qui ils souhaitaient. Leurs critiques à l'encontre de Rabat n'en sont pas moins sévères. Ainsi, ils accusent les autorités marocaines d'avoir "utilisé la force de manière disproportionnée" pour réprimer les manifestations pro-indépendantistes de mai 2005, répression qui fit officiellement un mort et des "centaines de blessés".

"DÉFICIENCES" DE LA JUSTICE

De même pointent-ils du doigt les "sérieuses déficiences" de la justice marocaine lorsqu'il s'agit de "garantir un procès équitable" aux personnes traduites en justice. Les réponses des autorités sur ce point " ne sont pas satisfaisantes", poursuit le rapport. Sur d'autres points - l'usage de la torture, la liberté d'expression ou d'association -, le rapport résume les témoignages à charge recueillis mais évite de conclure de façon trop abrupte. Ses auteurs préfèrent rappeler aux autorités marocaines qu'elles sont tenues d'appliquer les textes internationaux signés par elles.

Le Front Polisario est mieux traité, ce qui risque d'être perçu comme une preuve de partialité par Rabat. Non sans rappeler que des manifestations de masse orchestrées par le Polisario ont émaillé leur séjour à Tindouf, les délégués du Haut Commissariat se montrent peu critiques. Tout juste indiquent-ils que, "selon des sources au Sahara occidental", les responsables sahraouis refusent à certains réfugiés le droit d'aller visiter leur famille restée au Sahara occidental. "La délégation n'était pas en position de pouvoir confirmer (ces) allégations", ajoutent-ils.

Les recommandations finales du rapport risquent de faire grincer des dents à Rabat tant elles sont tranchées et s'éloignent du projet d'autonomie du Sahara occidental, au sein du royaume, défendu par les autorités marocaines. "Le droit d'autodétermination pour le peuple du Sahara occidental doit être assuré et mis en place sans attendre (...). Presque toutes les violations des droits de l'homme (...) se nourrissent de la non-application de ce droit fondamental", note le rapport.

Hasard du calendrier, la publication du rapport intervient alors que le Maroc, revenant sur sa décision, a annulé, le 4 octobre, le déplacement que devait effectuer au Sahara occidental une délégation de parlementaires européens, au prétexte que la majorité de ses membres "épouse sans réserve les thèses du Polisario".

Jean-Pierre Tuquoi
Article paru dans l'édition du 08.10.06